MARK LEWIS


  • FORTE
  • Titre : FORTE
  • Numéro d'édition : EA: 1/2
  • Dimensions :
  • Année : 2010
  • Technique : FILM
  • Biographie

    MARK LEWIS

    Né à Hamilton (Canada). Vit et travaille à Londres (Grande-Bretagne).

    Après avoir pratiqué la photographie, puis réalisé des interventions dans l’espace public, il découvre les possibilités de l’image en mouvement en 1994 : à l’occasion d’un projet sur l’iconoclasme dans l’ex-Union soviétique, il réalise Disgraced Monuments avec la théoricienne du cinéma Laura Mulvey. Lewis s’intéresse en particulier aux films des frères Lumière, lesquels cherchaient à décrire une action – comme un train entrant en gare ou une barque sortant d’un port – en exploitant au mieux la durée d’une bobine, quelques secondes à l’époque. L’exemple de cette utilisation efficace de la durée du film au service d’une intrigue prélevée dans le quotidien a conduit Mark Lewis à prendre pour matière première des moments ou des états de la réalité environnante, déjà chargés d’une cohésion temporelle spécifique. Loin de tout effet spectaculaire, il travaille des sortes de séquences qui se prêtent à une perception cinématographique.

    Les brèves intrigues dénuées de narration qui constituent les trois films montrés dans la présente exposition n’ont d’autre ressort dramatique qu’une procédure assez simple qui fait apparaître le déroulement d’un temps donné. Elles sont en effet chaque fois singularisées par une position ou un mouvement de la caméra sur une perspective urbaine : une rotation complète de l’image pour Harper Road (2003), la projection inversée d’ombres de passants filmées en travelling sur un trottoir pour Rush Hour, Morning and Evening, Cheapside (2005) ou un va-et-vient focalisé sur l’angle d’un bâtiment apparemment inachevé et qui s’amplifie légèrement comme pour marquer une hésitation du regard pour Bricklayers Arms (2008). Les trois séquences évoquent les multiples incidents visuels qui fragmentent le regard des habitants des métropoles, ces quelques secondes ou quelques minutes que la perception fige dans la mémoire. L’artiste parle à ce propos du cinéma permanent qui modèle le regard des citadins.

    Plus généralement, les films de Lewis n’ont ni début ni fin et circonscrivent très souvent des espaces urbains ordinaires, marqués par l’inachèvement ou l’abandon. Les modalités de tournage, la vitesse et l’angle de prises de vues, les jeux de lumière, de cadrage et les mouvements de caméra donnent à ces lieux une intensité et une dimension d’étrangeté qui font basculer le rapport entre l’identité de ce que l’on voit et la perception qu’on en a. Dans Rush Hour, Morning and Evening, Cheapside, Lewis fait d’un jeu d’ombres une métaphore du cinéma, en métamorphosant les figures des passants par une inversion du cadre. Dans chacun de ses films, un cadrage spécifique provoque une désorientation, et la projection en boucle accentue le brouillage des temporalités.

    Mais cette attention aux composantes du septième art ne signifie par pour autant que cette œuvre se borne à explorer les conventions formelles du cinéma. Mark Lewis s’intéresse aux aspects "cinématographiques" du monde où nous vivons et dans lequel les technologies de l’image en mouvement ont radicalement transformé la perception et l’expérience du temps.

    Pour ces raisons, le musée lui apparaît comme "l’endroit le plus adapté à la contemplation silencieuse d’une œuvre". Les conditions de projection, les dimensions considérables qui échappent à la fois au dispositif traditionnel de la salle de projection et au format télévisuel sont une manière supplémentaire d’évacuer le spectacle pour susciter une activité méditative.

    Cette œuvre, qui comprend également des photographies dont six sont exposées ici, reformule ainsi certaines des questions ouvertes par la peinture et la photographie et qui ont forgé le regard occidental sur le monde.

    Le travail de Mark Lewis bénéficie d’une reconnaissance internationale et a fait l’objet d’expositions personnelles dans de nombreuses institutions, telles que l’Akademie der Bildenden Künste à Vienne, l’Indianapolis Museum of Art, la Vancouver Art Gallery, la PS1 de Long Island, New York, le Musée d’art contemporain de Montréal, le Grand Café à Saint-Nazaire, le Musée d’art moderne Grand-Duc Jean à Luxembourg,  Biennale de Venise (Pavillon Canadien ), 2009.